56e anniversaire de la fondation
des
Internationalistes
L'idéologie
au coeur du travail
des Internationalistes dans les années soixante
et du travail du Parti aujourd'hui
- Pauline Easton -
Réunion à Toronto le 16 mars 2013 à
l'occasion du
50e anniversaire
de la fondation des Internationalistes
Les Internationalistes, organisation
précurseur
du Parti communiste
du Canada (marxiste-léniniste), ont été
fondés à l'Université de la
Colombie-Britannique le 13 mars 1963, il y a 56 ans. Un
élément crucial
de l'oeuvre des Internationalistes est qu'ils ont fait de la
conscience
le centre de leur activité. Cela heurtait directement la
thèse de
l'impérialisme américain selon laquelle le monde
peut
exister sans
idéologie, qu'il n'est pas nécessaire d'avoir des
considérations
idéologiques ni de théorie, et que
l'idéologie et
la théorie ne sont
que des obstacles à la grande unité des nations.
Aujourd'hui aussi on
prétend que les partis politiques qui épousent le
néolibéralisme n'ont
pas
d'idéologie, ou que seuls les partis qu'on dit
d'extrême
droite ou
d'extrême gauche sont idéologiques. Le corolaire de
cette
affirmation
est que les partis qui épousent le
néolibéralisme
sont modérés,
inclusifs, pragmatiques et viables, tandis que les autres sont
doctrinaires et ne cherchent qu'à imposer leurs croyances
à tout le
monde.
Cette fraude a commencé dans les
années
1950 quand les
impérialistes anglo-américains ont
présenté
la thèse de « la fin de
l'idéologie ». La chasse à l'idéologie
dans
le monde avait commencé. Au
lieu du débat sur le terrain des idées, le monde
entier
était entraîné
dans des échanges de calomnies, en particulier celles de
nature
personnelle. Le
haut fait fut l'attaque contre la personne de Joseph Staline par
Nikita
Khrouchtchev et d'autres. Depuis lors, on entend davantage parler
des
pratiques corrompues des présidents et des premiers
ministres
que des
conséquences catastrophiques de leurs politiques et de
leurs
visées sur
le monde. C'est fait pour que personne ne s'organise en vue d'une
alternative. Au Canada, les bulletins de nouvelles 24/7 sont
bourrés de
reportages sur l'attitude du premier ministre et du Conseil
privé face
à l'ancienne procureure générale. Ils
relèguent à l'arrière-plan le
besoin d'exiger des comptes de SNC-Lavalin et sa longue histoire
de
corruption. Qui plus est, les choses sont
présentées de
façon à
ne pas
permettre qu'on tire des conclusions et de voir la corruption de
l'État
au service d'intérêts comme SNC-Lavalin. Le besoin
de
trouver les
moyens de tenir le gouvernement et le Conseil privé
redevables
n'est
même pas abordé. Aux États-Unis, les
histoires de
corruption aux
échelons les plus élevés, impliquant
à la
fois des personnes haut
placées et
des entreprises auxquelles des contrats sont accordés par
le
gouvernement, sont si nombreuses qu'on a peine à
suivre.
Le fondateur des Internationalistes, Hardial
Bains, a
parlé de ce
phénomène lors du 30e anniversaire de la
fondation des Internationalistes irlandais, à Dublin, le 9
décembre
1995 : « Au lieu
du débat et de la discussion partant du principe que
certains
faits
doivent être reconnus pour que le débat et la
discussion
progressent,
on raconte des
anecdotes et on fait de la désinformation. Ces faits qui
doivent
être
reconnus doivent être des faits de la vie réelle,
non pas
des
catégories sorties de l'imagination. On peut dire que ce
fut
l'arme la
plus importante entre les mains de l'impérialisme pour
provoquer
l'effondrement de l'Union soviétique et de l'Europe de
l'Est.
Les
derniers jours de
l'Europe de l'Est ont vu Mikhaïl Gorbatchev affirmer, en
véritable
libéral qu'il était, l'existence de 'valeurs
universelles'. Les valeurs
universelles sont synonymes de l'âge de la noirceur,
d'obscurantisme
médiéval. Les personnes scientifiques ne parlent
pas de
valeurs
universelles. La science est par définition un corps de
connaissances
d'un sujet ou
d'un domaine à débattre. On a l'obligation d'avoir
pleine
connaissance
de tout ce qui a été réalisé
jusqu'à
ce point dans ce domaine et de ce
qu'il faut désormais accomplir. L'oeuvre de Karl Marx sur
le
plan de la
philosophie, de l'économie politique et du socialisme est
un
très bon
exemple de travail scientifique. Beaucoup mènent un
travail
scientifique aujourd'hui. Mais c'est l'opposé qui est le
plus
répandu.
Par exemple, il ne manque pas d'économistes qui veulent
prouver
leurs
théories en fermant les yeux sur le fait que dans leur
propre
pays,
l'économie connaît un développement
disproportionné et la crise n'a de
cesse. »
La science, faisait remarquer Hardial Bains,
identifie
précisément
ce qui est connu et ce qui reste à découvrir. Il a
mis en
garde que
toutes sortes d'idées vous viennent spontanément
à
l'esprit quand on
prend part à la vie et que l'influence de ces idées
n'est
pas
insignifiante. « Par contre, a-t-il poursuivi, certaines
choses
se
produisent à cause
de nous, à cause de notre action consciente. Elles ne sont
pas
spontanées, elles se produisent parce que nous agissons
comme
les êtres
humains se doivent d'agir. Ces choses qui se produisent à
cause
de nous
et à cause de notre action consciente ne peuvent se
concevoir
que par
la voie de la science. Il y a des choses qui naissent
indépendamment de
nous et des choses qui naissent à cause de nous.
Voilà la
dialectique à
l'oeuvre, la dialectique vivante. Mais il faut prendre pour
acquis
l'existence de la société humaine. Selon la logique
des
chefs
capitalistes d'aujourd'hui, les maîtres d'esclaves
modernes, il
faudrait plutôt prendre pour acquis que la
société
humaine n'existe
pas. Il n'existerait que
les 'valeurs familiales' —- pas les familles, mais bien les
valeurs
familiales. Il est impossible de concevoir tout progrès
de l'humanité
si l'on nie l'existence de la société et qu'on la
remplace par des
'valeurs familiales'. »
Hardial Bains retraçait la source de la
lutte
idéologique moderne à
l'époque de la lutte contre le féodalisme.
L'idéologie qui est née de
la destruction du féodalisme était que les
êtres humains avaient
préséance sur toute idée ou chose qui
échappait à leur portée. Cela a
marqué le début d'une période où les
êtres humains, leurs activités
matérielles et concrètes, leur vie et leur travail,
leurs
théories
et leurs idées, occupent de plus en plus le devant de la
scène. C'est
la période au cours de laquelle un Dieu après
l'autre, un
pouvoir
surnaturel après l'autre, suspendu au-dessus de la
tête
des êtres
humains comme une épée de Damoclès, sont
tombés. Le dernier Dieu à tomber
est celui qui définit les
droits en fonction de la propriété privée, a
fait
remarquer Hardial Bains,
et avec lui l'obscurantisme médiéval qui perdure se
dissipera et
tomberont également l'organisation de la
société,
son État et ses
gouvernements basés sur le privilège plutôt
que sur
des droits qui nous
appartiennent du fait que nous sommes humains. « Les
êtres
humains
feront
enfin eux-mêmes leur histoire, a dit Hardial Bains, et
c'est
précisément cette conscience que les
Internationalistes
ont défendue. »
Hardial Bains a expliqué qu'une
idéologie
est surgie dès qu'a
commencé la lutte contre les pratiques moyenâgeuses.
Les
conditions matérielles de
cette idéologie devaient déjà exister, du
moins
à leur stade initial.
Cette lutte contre l'obscurantisme médiéval a pris
de
nombreuses formes,
mais le fait est qu'une idéologie est née qui
mettra fin
aux pratiques moyenâgeuses. Cependant, il y a aussi la
dégénérescence de la
bourgeoisie qui veut
faire revivre tout ce qui est médiéval, qui veut le
ramener dans
différentes formes d'obscurantisme. Cela donne lieu
à une
lutte idéologique intense.
Aujourd'hui, elle se présente comme une affaire de
conception du
monde,
un affrontement entre une conception du monde qui regarde vers
l'avant
et une autre tournée vers l'arrière, celle qui
place
l'humanisation de
l'environnement social et naturel au centre de l'attention et
celle qui
est intéressée et étroite et qui veut
légitimer les pratiques qui ne peuvent être
justifiées.
La classe dominante aime prétendre qu'elle
n'a
pas d'idéologie, mais
la lutte idéologique n'est pas une affaire mineure.
Jacques Ier
d'Angleterre, au début du XVIIe siècle, disait
qu'il ne
s'agissait pas
de savoir si le souverain a raison ou tort, mais de comment
ose-t-on
même soulever la question. Selon lui, les sujets n'avaient
pas
d'affaire à
s'interroger sur qui est souverain et pourquoi, ou à
discuter de
ce que
pouvait ou ne pouvait faire le souverain.
Et c'est ce qu'on nous dit aujourd'hui à
propos
de l'attitude du
Conseil privé dans l'affaire SNC-Lavalin. Le premier
ministre a
la
prérogative de nommer des ministres, de leur donner leur
mandat
et
d'exiger qu'ils lui obéissent même si c'est contre
leur
conscience de
le faire et sans que personne n'ait de comptes à rendre du
point
de vue
de la
responsabilité sociale. C'est ce qu'ont
déclaré le
greffier du Conseil
privé Michael Wernick et l'ex-secrétaire du premier
ministre Gerald
Butts.
En ce qui concerne Jacques Ier, objectivement, le
monde
n'a pas
souscrit à son diktat et s'est exprimé sur ce que
le
souverain doit ou
ne doit pas faire, et des révolutions ont eu lieu. Son
fils
Charles Ier
a été décapité. Nous sommes
maintenant au
point où les impérialistes
proclament qu'il y a des valeurs qui ne peuvent être
remises en
question. C'est à l'originen de ce qu'on appelle aujourd'hui un
système
de droit basé sur les règles qui selon elle est
synonyme
de l'état de
droit, à l'échelle nationale ou internationale.
C'est ce
qui a été
consacré dans les décisions de la Conférence
pour
la sécurité et la
coopération en Europe (CSCE) et dans la Charte de
Paris,
qui
revendiquent certaines valeurs qui ne peuvent être remises
en
question.
Elles exigent le respect de ces valeurs par tout pays qui
souhaite
faire partie de leur communauté de nations
civilisées et
par tout
individu qui désire être citoyen. Cela est
maintenant
poussé à
l'extrême
avec la demande que les individus adhèrent à ces
valeurs
s'ils veulent
participer aux élections. Avant tout, on dit aujourd'hui
aux
pays et
aux individus qu'ils doivent accepter ces valeurs ou
périr.
L'adhésion
à ces valeurs passe maintenant avant toute chose, pour les
nations
comme pour les pays. En d'autres termes, un pays ou une personne
ne
peut pas remettre en question ce que la présidence
américaine, l'Union
européenne, le Canada ou l'OTAN doivent ou ne doivent pas
faire.
C'est
ainsi que parle l'impérialisme.
La question se résume en
réalité
à ceci : le moment est venu
d'adopter une définition moderne de la souveraineté
- une
définition
qui admet qu'aucun pouvoir ne peut être au-dessus du peuple
et
aucune
autorité ne peut remettre en question ce que le peuple
peut ou
ne peut
pas faire. Le peuple doit parler en son propre nom. Les peuples
sont
placés devant l'ultimatum qu'ils doivent accepter la
volonté de
l'oligarchie financière imposée au monde entier. Ce
qu'ils ne feront
jamais.
Cette oligarchie financière a
l'État
à sa disposition, elle a son
armée, ses forces policières, ses agences de
renseignements et sa
police politique. Les gouvernements sont portés au pouvoir
et
déclarent
ce qu'ils veulent au nom de grands idéaux à la
manière de Jacques 1er.
Voyez ce que le gouvernement du Canada fait à
l'échelle
nationale et
internationale et ce que font les premiers ministres. Voyez ce
que font
les entreprises lorsqu'elles revendiquent le « droit
»
d'embaucher et
de licencier à volonté. Les monopoles ouvrent et
ferment
des usines à
volonté, augmentent ou réduisent la production,
avec des
conséquences
pour des milliers de travailleurs et des communautés
entières. Une
telle dictature est considérée comme normale. Elle
a un
mépris total
des besoins et des exigences d'une société humaine
moderne, mais elle
est considérée comme normale. Les oligarques
financiers
et leurs
institutions détiennent un pouvoir décisionnel qui
est
au-dessus du
peuple. Cela nous montre que l'idéologie est
étroitement
liée aux
fondements
de la démocratie. Aujourd'hui, pour que les droits
démocratiques aient
un sens, les individus doivent exercer le droit de contester ce
que le
« souverain » peut ou ne peut pas faire. Le
soi-disant
système basé sur
des règles proclamées par ceux qui ont
usurpé le
pouvoir sur les autres
se consume et disparaît lorsque les humains deviennent
décideurs de
plein droit. Ensuite, ils deviennent souverains en tant que
peuple.
Cette souveraineté ne relève pas
d'élections, de
parlements ou de
référendums. Elle doit être
concrétisée et reconnue comme un fait par
la création de nouvelles formes, de nouvelles institutions
et de
nouveaux arrangements qui consacrent cette personnalité
démocratique
moderne qui
parle en son propre nom.
Une des formes qu'a prise la lutte
idéologique
au
début dans les
années 1960 était la remise en question de ce qui
était enseigné, de ce
que disaient les professeurs. Il régnait sur les campus un
climat qui
n'était pas favorable à la discussion
académique.
L'étudiant ne pouvait
pas remettre en cause ce que dit le professeur. Les
Internationalistes
ont brisé cette atmosphère qui allait à
l'encontre
de l'apprentissage,
de la pensée et, à divers endroits, des professeurs
ont
été confrontés
et les étudiants les ont directement mis au défi.
Les
étudiants ont
fait ressortir ce qui était vraiment en jeu : la
conception du
monde et
l'idéologie. La marée montante de l'opposition
à
l'agression culturelle
impérialiste américaine, que ce soit au Canada, en
Angleterre ou en
Irlande, était au centre de la lutte. La question de
l'idéologie était
au centre de cette tempête. L'idéologie était
aussi
au coeur du
problème du système d'éducation
décadent.
Hardial Bains a toujours insisté sur le
fait
que, si le rôle de
l'idéologie est minimisé ou, pire encore, s'il est
nié, que reste-t-il
? Il ne reste que les pleurs et les plaintes. Il ne reste
qu'à
faire
appel à la miséricorde d'un seigneur tout puissant.
Lorsque cela leur
convient, les cercles dirigeants, ceux qui ont usurpé la
souveraineté
qui appartient de
droit au peuple, rappellent que la « classe moyenne »
mythique peut
saisir les miettes qui tombent de la table du festin pour
réaliser ses
rêves. Ils rejettent avec arrogance l'existence
concrète
de la société
et ramènent la notion médiévale que tous les
êtres humains sont «
jetables », à la merci d'un seigneur et d'un
maître.
Sous le pouvoir des
représentants des capitalistes financiers, les
notions que les médiévistes utilisaient contre le
peuple
à leur époque
sont utilisées contre le peuple aujourd'hui. Par exemple,
les
luttes
menées par les travailleurs et le peuple pour la justice
et la
réalisation de leurs réclamations à la
société sont déclarées une
affaire de loi et
d'ordre. Aujourd'hui, cela se fait au nom de
l'intérêt
national, de la
prospérité économique, de la liberté,
de la
démocratie, de la paix et
d'autres idéaux élevés. Comment ce que les
humains
font et disent pour
réaliser leurs réclamations à la
société peut-il être un problème de
loi et d'ordre ? Les premiers ministres et les parlements
adoptent de
nouvelles lois et proclament les règlements qu'ils
veulent,
impunément.
Permettre aux entreprises d'agir en toute impunité,
réduire et couper
les prestations d'assurance-emploi, abandonner les travailleurs
accidentés à leur sort, couper les fonds pour
l'aide aux
enfants
autistes, interdire aux professionnels tels que les
infirmières
et les
enseignants de
défendre la dignité de leur profession en leur
enlevant
le droit de
négocier leurs conditions de travail — rien de tout
cela n'est
considéré comme illégal, car des lois sont
adoptées pour déclarer légal
tout ce que les oligarques réclament. Quelles idées
devraient
l'emporter ? Celles du peuple ou celles des oligarques ? C'est un
problème sérieux.
Quand on dit que tout cela se fait sans
idéologie et que
l'idéologie perd son importance face aux exigences de
l'oligarchie
financière, cela cause un grave préjudice à
l'être humain. Une personne
humaine doit avoir une idéologie. La personne qui n'a pas
d'idéologie
n'est plus reconnue comme faisant partie du corps politique ou
même de
la
race humaine. L'idéologie est importante à ce
point.
Hardial Bains a
souligné que, pour les personnes progressistes, ne pas
avoir
d'idéologie, c'est tout banaliser. Il a fortement
insisté
sur le fait
que ce qui différencie les marxistes-léninistes des
autres, c'est que
leurs activités ne sont fondées que sur des
considérations
idéologiques. C'est
contre nature d'agir par habitude, par instinct, parce que la
qualité
de l'être humain est de concevoir ce qui manque et de
planifier
l'action sur la base de considérations
idéologiques.
Essentielle pour les Internationalistes dans les
conditions des années soixante, l'idéologie est
également essentielle pour toute la
période historique actuelle parce qu'il s'agit de
transformer
les
progrès historiques de la révolution
démocratique
contre les pratiques moyenâgeuses, contre tout ce qui est
médiéval en une victoire historique. Pour cela,
tout doit
être mis en
oeuvre
pour que la
personnalité démocratique réapparaisse, ce
qui ne
peut se faire qu'en
plaçant l'idéologie au centre du travail du Parti,
comme
l'ont fait les
Internationalistes à leur époque.
Supplément
20e anniversaire du bombardement de la Yougoslavie par
l'OTAN
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Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 10 - 16 mars 2019
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au coeur du travail
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